Nous sommes jeunes, nous sommes fiers ???

Publié le par Hasta Cognac, Siempre!

Dites le fort!
 A propos du livre de Benoît Sabatier et du concert de Naast...

 

            En cette période de marasmes électoraux, il est temps de revenir à des sujets un peu plus légers. Quoique... Comment « le rêve contre-culturel s'est mué en cauchemar jeune »*.

 

            « Pourquoi devrait-on vous présenter quelqu'un de propre et de sage que l'on devra se cogner toute notre vie? Pourquoi n'iriez-vous pas vous faire foutre? »*.

 

            Ces jours-ci paraît le livre « Nous sommes jeunes, nous sommes fiers » de Benoît Sabatier. L'ambition de cet essai est d'étudier l'émergence de « la culture jeune », culture qui apparaît via le rock. Proposer ici une nouvelle étude de ce phénomène ne nous intéresse pas particulièrement pour le moment. Par contre, il est essentiel de repenser un aspect majeur de ce livre.
            Ce qui est en effet pointé, dans les évolutions du rock depuis les années 60, c'est la façon dont cette culture s'est adaptée (en partie du moins) au capitalisme. Plus les disques de rock se vendaient, plus la jeunesse adoptait des codes appartenant à cette culture, plus les industriels de la musique ou du vêtement s'enrichissait.
            Revenons aux fondements. Quel est la finalité du rock, dans les années 60 ou 70, quand les Doors font un concert, quand Jimi Hendrix enregistre Electric Ladyland? S'agit-il simplement de créer une « culture jeune » pour le plaisir de se démarquer? Improbable. Voire même impossible. Dans les années 60, aller voir un concert des Doors, c'est un danger à prendre, c'est aussi un choix politique à assumer. Le rock n'est pas une musique qui cherche avant tout à faire danser, mais à exprimer certaines interrogations, remises en cause ou fragments de vérité. Camus écrivait: « l'absurde naît de cette confrontation entre l'appel humain et le silence déraisonnable du monde ». Le rock: une certaine expression de l'absurde? Pour Camus encore, l'absurde se réalisait aussi par la révolte. Qui peut nier, dans les années 60, que le rock se conclut toujours par un cri de révolte?
            Cette culture rock a donc aujourd'hui été largement récupéré par un certain nombre d'intérêts financiers, la révolte pour les « rock stars » d'aujourd'hui est devenue une façade, elle est devenue superflue. Dans le même temps, le message véhiculé s'est estompé pour finalement presque en venir à disparaître. Combien de « rock stars », aujourd'hui, sont capables d'assumer des textes engagés? Pas juste cet engagement bien-pensant contre l'extrême droite (bien que cela soit évidemment positif), mais un engagement de transformation sociale bien plus profond? Combien de groupes, aujourd'hui, peuvent prétendre encore inscrire leur musique dans une philosophie camusienne de l'absurde et de la révolte?
            Bien peu, manifestement.
            Pendant que le rock devient un produit commercial, la jeunesse prend le risque de basculer dans le superficiel et d'abandonner les perspectives initiales que proposait cette culture. La révolte n'intéresse plus par ce qu'elle promet, mais elle intéresse en elle même. Et, de préférence, autant que cette révolte s'habille des plus beaux apparats: vestes branchées, ceintures, jeans, converses, etc. La révolte doit briller, attirer l'oeil, peu importe ce qui se cache derrière tout ça puisque les intérêts financiers ont bien pris garde de ne plus rien laisser de subversif derrière ces costumes. « Tout brille, mais rien ne brûle »: la révolte brillante est belle, si belle que l'on en a oublié sa finalité. On en vient même à tolérer l'ultra-sécurisation de lieux de concerts, là où la présence abusive de policiers aurait provoqué des émeutes il y a une trentaine d'années.
            La jeunesse qui se consumait dans la révolte a finie par s'auto-consommer, tous ces éléments culturels qu'elle avait engendré sont maintenant chèrement monayés. La révolte brille et attire la jeunesse, mais cette révolte de surface ne trompe plus personne, la jeunesse n'est plus véritablement révoltée mais au contraire elle sombre dans la superficialité pseudo-rock que lui propose la société de consommation.
            Alors, quel rapport avec Cognac? Dans quelques jours vont se produire aux anciens abattoirs les Naast. Groupe déjà adulé par certains comme étant le renouveau d'un rock pur et dur, contesté par d'autres comme étant de sombres caricatures de rockers enchaînant les clichés. Qu'en est-il vraiment? Nous ne trancherons pas la question, chacun aura l'occasion de juger sur scène. En espérant qu'eux au moins n'ont pas oublié que le rock est porteur de révolte, et pas uniquement en surface... En espérant que les lecteurs de cet article restent fidèle au rock des Doors, des Clash, et autres... Que vive le rock révolté!

 

            « Intégré, marchandisé, infantilisé, le rock a ensuite droit, malgré quelques soubresauts contre-culturels, à un public à son image: une jeunesse de plus en plus manipulée. Avide de rock humanitaire, de produits bobos ou de télé-réalité, à partir de 1984, la jeunesse devient une entité souvent bêlante. »*

 

* ces quelques citations sont tirées du livre de B.Sabatier.

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