Réponses (et non réponses) au questionnaire sur l'éducation...

Publié le par Renaud

   Quelques candidat-e-s aux prochaines élections législatives ont donc répondu
au questionnaire que nous leur avions proposé: Michel Adam (Verts), Nathalie
Nouts (LCR) et Marie-Line Reynaud (PS).
Aucun candidat de droite ne s'est
manifesté. Nous tenons à préciser que, dans la mesure du possible, le
questionnaire a été envoyé à tous les candidats dont nous pouvions trouver
les adresses. Nous avons donc le sentiment que le silence des candidats de
droite est particulièrement éloquent, de l'UDF aux dissidents UMP, il semble bien qu'aucun des trois candidats ne soit capable de parler de rupture avec la politique de casse de l'éducation publique menée par leur prédecesseur J.Bobe. Et pourtant, cette année, encore 16 postes d'instituteurs risquent d'être supprimés en Charente...

   Pour autant, nous avons constaté que nos questions n'ont peut être pas suffisament été précises, les enjeux de l'enseignement supérieur semblant parfois être méconnus par les candidat-e-s. Nous nous proposons donc de repréciser quelques points.

   Tout d'abord, la question de la carte scolaire est bien perçue comme étant la garante de la mixité sociale mais les enjeux de sa suppression peuvent paraître encore lointains. Pourtant, la suppression de la carte scolaire impliquerait une forme de sélection. On peut donc estimer que deux formes de sélection risqueraient d'apparaitre: la sélection financière, ou la sélection au mérite. Sachant que les deux reviennent bien souvent à une forme de sélection sociale: chacun sait que la sélection "au mérite" ne permet pas une "égalité des chances" effectives.

   Les enjeux de la réforme sur l'autonomie des universités semblent par contre, eux, assez méconnus (en dehors peut être de la candidate de la LCR).
   Depuis plusieurs semaines maintenant on entend dire que la réforme qui sera proposée n'inclura pas les volets sur l'augmentation des frais d'inscriptions, ni sur la fin d'un cadre national des formations. Or, ces volets n'ont jamais été présents en tant que tels dans les anciennes propositions de réformes qui avaient été combattues par les étudiant-e-s. Ces volets n'étaient pas présents, pour la simple raison que ces effets sont inscrits dans la réforme elle même: si l'on autonomise l'université, cela signifie donc que l'on autorise l'université à agir comme elle l'entend, tout en lui réduisant sa part de financement public. Les présidents d'université peuvent alors choisir plusieurs solutions: faire appel à des entreprises qui financeront des diplômes correspondant exactement au type d'employés qu'ils recherchent (donc des formations faites pour un seul type de poste - on n'y reviendra), ou augmenter les frais d'inscriptions comme le demande la CPU (Conférence des Présidents d'Université)... Cela signifie aussi que les personnels de l'université risquent d'être de plus en plus souvent précarisés. Cela signifie encore donc, que les universités fixeraient de manière de plus en plus autonomes le contenu de leur formation, créant donc des différences par exemple entre une licence d'économie obtenue à Lille ou à Poitiers.

   Cela n'est pourtant pas nouveau. Car la réforme LMD, qui était donc initialement une réforme qui se voulait permettre une harmonisation des cycles universitaires au niveau européen, a déjà accrue en partie l'autonomie des universités. Cela se traduit depuis quelques années par une augmentation des frais d'inscriptions dans un certain nombre d'universités, par la création par les universités de différentes "offres de formations": le contenu d'une licence d'histoire n'est déjà pas le même à Rennes ou à Limoges... Le résultat de cette harmonisation européenne est, certes, que les cycles Licence/Master/Doctorat sont  maintenant les mêmes au niveau européen. Pourtant, on ne saurait parler d'une véritable harmonisation...

   La question de la professionalisation doit aussi nous intéresser de très près.
   En effet, les étudiant-e-s qui sortent d'une licence professionelle ont (en général) un "taux d'employabilité" un peu plus élevé que les étudiant-e-s issus d'une licence "normale". C'est vrai, mais c'est vrai uniquement si l'on prend les études réalisées peu après la sortie de la formation. Car, il semble actuellement que les individus ne disposant que d'une licence professionelle se retrouvent plus facilement au chômage après quelques années de travail que ceux disposant d'une licence "normale".
   L'explication qui peut être apportée est simple. Les licences professionnelles sont généralement conçues pour répondre à un besoin bien précis d'un secteur de l'économie, à un moment donné. Les besoins de main d'oeuvre de ce secteur étant passé, les individus disposant d'une licence dans le secteur en question se retrouvent sans emploi, et sans possibilité de reconversion puisque leur cadre de formation est extrêmement restreint.
   Concrètement, on peut prendre des exemples. Il arrive de plus en plus souvent que les entreprises, saisissant l'opportunité de disposer d'une main d'oeuvre dans délais assez brefs, proposent aux universités de mettre en place leurs propres licences professionelles. Ainsi, on se contentera de citer un cas symbolique: une licence professionnelle créée à la demande d'airbus à Toulouse. Or, aujourd'hui, les gens qui ont obtenu cette licence n'ont plus de débouchés, puisque l'entreprise se lance dans un plan de licenciements...
   La professionnalisation des études, telle qu'elle se fait actuellement, est donc en grande partie un mythe, en aucun cas une réalité ni la solution miracle : a court terme le taux  d’employabilité des étudiant-e-s issus de ces filières est en effet plus élevé à court terme, mais pas dans le long terme puisque ces diplômés n’ont que des possibilités de reconversion limitée…

   Sur la gestion des universités, il faut savoir qu'en théorie il y a trois composantes essentielles dans les conseils d'administration: les enseignants, le personnel d'entretien et les étudiants. Sur des conseils qui se composent d'environ 50 membres, les étudiants sont extrêmement minoritaires (en général une douzaine). A cela vient, de plus en plus, s'ajouter des représentants extérieurs. Ces représentants extérieurs peuvent parfois être des représentants des collectivités territoriales, mais souvent une place de plus en plus importante est donnée aux "représentants du monde économique" (ce qui signifie en général des représentants du Medef).
   Cette tendance s'amplifie de jours en jours. Les PRES (pôles régionaux de recherche et d'enseignement supérieurs - qui tendent à regrouper des universités et grandes écoles de la même région de manière à devenir "plus compétitifs dans le marché des savoirs") sont actuellement en cours de construction, et les compositions de leurs conseils d'administration risquent d'être éloquentes: la place des étudiant-e-s sera restreinte au minimum, mais celle des chercheurs risque aussi de devenir minoritaire, au profit des représentants des bassins économiques locaux qui pourront ainsi financer des formations correspondant aux besoins de leurs entreprises à un moment donné (on en revient donc à la logique de professionalisation des études). La recherche est donc toujours plus mise sous la dépendance des intérêts économiques.

   Les aides sociales allouées aux étudiant-e-s sont, aussi, un élément fondamental. Environ 50% des étudiant-e-s sont salariés au cours de l’année scolaire, ce qui ne peut que nuire à leurs conditions d’études.
   Se basant sur la charte de Grenoble de 1946, qui déclarait que l’étudiant « est un travailleur en formation », les syndicats étudiants réclament donc une réforme des aides sociales versées aux étudiants, de manière à garantir des conditions d’études correctes.
   Plusieurs propositions sont faites. La plus célèbre est celle qui a été reprise par S.Royal, mais aussi en partie par les Verts et le PC au cours de la dernière campagne présidentielle : il s’agit de l’allocation d’autonomie, qui est initialement portée par l’Unef. L’idée est, a priori, de remoduler le système d’aides sociales actuellement existant pour permettre une autonomie financière effective. Les détails sont disponibles sur le site internet de l’Unef.
   Le salaire socialisé est une revendication portée par Sud étudiant. L’idée ici est de refondre totalement le système d’aides sociales, pour permettre à chaque « travailleur en formation » de disposer d’un « salaire différé ». Pour être très bref, l’idée de base est qu’une part des cotisations sociales serve à financer ce « pré-salaire », sur le principe d’un salaire différé comme peuvent l’être les retraites. Les détails sont disponibles sur le site de Sud étudiant, ou dans certaines publications de l’économiste B.Friot. Il est à noter que ce système est défendu par certains sous le nom d’allocation d’autonomie, ce qui ne correspond pourtant pas à la définition portée par l’Unef.
   La différence majeure entre ces deux propositions ? L’une (allocation d’autonomie) propose simplement de remoduler le système actuel, les bourses et autres aides sociales devenant une allocation d’autonomie, l’autre propose donc une refonte plus complète du système d’aides en dégageant des fonds issus des cotisations sociales, ce qui n’est pas directement le cas aujourd’hui dans les systèmes d’aides sociales alloués aux étudiant-e-s.

 

En espérant que ces précisions aient été assez claires, n'hésitez pas à laisser des commentaires si certains points restent flous, on essayera d'y répondre dès qu'on aura le temps.

 

Voir la déclaration de la ministre V.Pecresse, sur l'autonomie, etc.

Publié dans Législatives 2007

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